dans un nouveau petit carnet inattendu reçu par la poste
je teste le crayon


dans le carnet 
je note un rêve
dans le rêve j’écris dans ce carnet reçu hier mes rêves
dans un rêve une femme propose des énigmes pour maintenir le
                                                      temps ;
Shéhérazade ingénieure              		           
les énigmes sont des histoires mystérieuses 
remplacées dans le rêve par des allumettes mystérieuses
­




je note est-ce un carnet pour les rêves ?
avant leur mise en mots
ils s’évaporent régulièrement
dedans des lieux inexistants apparaissent, ils ancrent la mémoire
 					                  du rêve
comme un campus d’université





je note
                la topologie onirique
                
                
                
                
je poursuis le rêve
faut-il casser des murs, agrandir encore l’immense bâtiment 
			                  vers sa barrière
ouvrir
de la famille passe donner un avis
et le rêve s’oublie malgré sa grandeur






un autre petit rêve de célébrité et reconnaissance


















entre parenthèses


	Je fais de la rétention de rêves - 
   	 enfin,
      	   je rêve
   	    mais je prends la peine de ne pas les inscrire,
	ils s’effilent
            	  en perles d’eau nacrées
  	   dans des jungles assoiffées de vertige.










un nouveau rêve
dans un appartement avec une camarade militante féministe, 
pour un colloque peut-être, 
elle est en colère contre un homme et 
                    je suis chagrinée à côté,
recroquevillée dans un coin 
perdue avec des poèmes
des paroles au-delà de
et des larmes 
qui ne m’appartiennent pas










un autre rêve pas loin
je fais une demande dans un groupe-messagerie sur le téléphone, 
une demande inappropriée avec des coquilles
ce n’est pas légal, on me gronde, 
c’est un manque de précautions
pour y pallier des gens qui n’existent pas écrivent des slogans antifascistes qui réveillent tout le monde
qui ouvrent






















le carnet de rêve devient un carnet de voyage, car un nerf est coincé et il y a besoin de légèreté (avant c’était le carnet exlibris celui des voyages)
c’est le vendredi 25 juin 2021 en direction de Strasbourg
ou bien le retour le dimanche 27 juin à 16:26 au retour à Mulhouse

le week-end fut bon malgré l’épuisement
	des menstrues
	de la douleur du nerf coincé
	des nuits courtes
		          au milieu des gens





je note
		émulser des rencontres




et je note des définitions alors que le tgv gigote

    en Chimie, l’émulsion est un milieu hétérogène constitué par la dispersion, à l’état de particules très fines, d’un liquide dans un autre liquide en phase continue, la phase dispersante 

    en Photographie, l’émulsion est un mélange sensible à la lumière, composé de sel d'argent à l'état de cristaux microscopique en suspension dans la gélatine, le collodion, qu'on applique en couche très mince sur la plaque ou le film.

    en Travaux Public, c’est aussi un mélange de gravillons liés avec du bitume liquide que l'on utilise pour la réalisation de circulation à faible trafic ou pour l'entretien provisoire des routes.










je note encore des rêves, il y en a des grands qui s’évaporent au réveil
cette nuit avec des maraudés, 
monsieur P. à une fête
il y a une bagarre
des baignoires qui ne s’écoulent pas
et des êtres vivants qui s’y forment
le jeune Lucas qui attend






Un titre en jaune : Fragments de la zone, une photographie en noir et blanc : des immeubles recouvert d'un tag : Houses stand empty while homelessness grows. Who makes the profit ? Somebody knows ! puis entre parenthèse écrit en petit (à imprimer en paysage et plier en format zine 8 pages






je rêve de barricades qui bougent












je ne rêve pas l’insomnie prend le pas, 
une minuscule tourmente
je cherche une présence
je questionne son absence
je rentre doucement dans l’écriture, 
le réflexe retenu d’aller dans le refuge de l’oubli du scroll

quelqu’un a fait une remarque 
et presque tout se renverse dans un doute radical
habituellement on dirait qu’il y a peu de 
réflexivité miroir à travers

la rue est bruyante
elle résonne
avec toutes ses trajectoires vécues 
entre-observées en permanence
rarement avec indulgence
une aventure l’humanité, le vivant
une étrangeté menaçante intriguante
(pas comme une ombre qui plane)
un haussement d’épaule face à 
ce qui se tient pour paisible ;
comment reconnaître repérer 
les dérapages désastreux
dans les façades de courtoisie 
sans vigueur.
devenir phare
des tentatives de connexions,
de l’intime pour réparer 
la solitude partagée
awkward
je me souviens de la naissance d’une amitié
dans une cage d’escalier
[why would someone want to spend time with me]
est-ce qu’il existe des personnes non-bizarres ?

j’écris à propos du travail de Sultana Zana, 
le sonore et l’umwelt
[le parquet qui grince]
l’idée ritournelle du métier de psychologue comme autorisation à être
                                                              louche
et à déranger par un savoir supposé
un savoir qui dérange, une curiosité 
car qui introspecte son espèce ?
prendre soin, veiller, ne pas surveiller
j’écris des pleurs étranges 
à la lumière jaune
une identité et des frontières poreuses
une curiosité qui m’entraîne
je visualise le boulevard Bérangers à Tours et son très large trottoir 
				                             au milieu
très long avec de grands arbres
et de nombreux visages
qu’y a-t-il derrière ou dedans
















je questionne ce qui a abîmé mon dos
les bricoles affalées et internet







Amortir la chute :
	Appliquer du baume / un onguentt herbacé comme un
	 	nid sur des blessures, des brindilles ramassées, choisies, 	
	 	transportées, déposées dans une architecture curative.
	La parole dévoile les incongruents sursauts collectifs.
	e t h e r a l      r e a l m
		et des soupirs*





je note je ne sais quoi
à propos du silence qui induit en erreur
le mouvement de l’eau au vent, lui, est perpétuel.
à propos de gratitudes apeurées, je me tais
les feuilles des astres dansent
j’ai envie de tout raturer en majuscule
j’écris je m’occupe
je m’occupe du vide
le vide de l’écriture m’occupe
l’écriture occupe le vide




je note
    Les temporalités subjectives

        (c’est le titre d’un sujet d’examen en master 2 de Psychologie Clinique que j’ai raté)





je note
que je préfère les saisons comme marques temporelles





je cherche 
une adresse rassurante







je reprends les rêves
plusieurs d’affilés sur trois-quatre jours
jusqu’à un réveil en pleurs
car je ne peux pas porter à bout de bras le destin de quelqu’un,
                                       le seul arabe du Sundgau,
                                                        Mensour



un rêve
la zone a un nouvel endroit,
la structure ressemble à [décrire jeux pour enfants comme sur la couverture de Les amateurs de Brecht Evens] en plus grand
une aire de jeux abandonnée sur plusieurs étages
abandonnée avant la fin de sa construction
at the edge of Crestwood
parfois il y a deux gamins
il y a Mothi très présent, 
son regard clair a du pouvoir
il y a une rivière-canal
au milieu des feuilles d’automnes 
collées sur la gadoue
Samir s’excuse de ne pas
il y a une clairière
je fume un joint avec des zonards
« on n’est plus à ça près »
qu’en penserait la figure d’autorité
il y a la nuit
une armée de flics
dans la structure zone-désertée
je les esquive facilement
la crainte tambourine
que s’est-il passé ?
est-ce grave ?
on dirait








un rêve la veille
il y a un parcours semé d’embûche
des plateformes comme dans un jeu-vidéo
j’emprunte le parcours en échange
Guillaume me salue
c’est un contrat pour qu’il s’en sorte
il est le spectateur de mon engagement
le rêve ne finit pas, n’a pas de résultat.




    





Tout est poreux
             s’infiltre en dehors

   Il n’y a pas de barricades perméables face à la détresse.







Je rature et je note en dépit d’un autre stylo
un questionnement revient, je le date de deux mil dix-sept
quelle est la différence entre le zen et l’affect dépressif
la propension à s’oublier
pour appartenir partout
comment éviter le délitement


je trace trois étoiles et puis
j’écris à propos de la vieille dame qui pourrait me rendre folle, elle traverse les carnets et les textes, avant sa rencontre il y a eu des hérons le long de l’Ill
je raconte l’histoire de la tisane Ricolas et le bouchon jaune 
la délectation des lampées
il faut deviner le sens 
dans les trous
vers les montagnes illuminées 
par son regard
et encore plus loin;
c’est une silhouette de la marge savante de l’invisible
- un gouffre délicat,
s’en extraire attirée aspirée

elle insuffle des rêves
une personne archive et réclame à mon encontre, je me réveille
une personne se mélange de communautés
des lieux inconnus, en vacances
habillée n’importe comment
une keynote informelle a lieu dans un couloir avec une personne que j’admire,
elle apprécie mes interventions ; une personne porte du maquillage un masque en paillettes noires
j’erre et mes parents m’ordonnent, je vole du café, je cherche la sortie, comment m’échapper
une roulotte avec des jeux et des enfants qui s’endorment





   Tout se mélange.












un nouveau rêve
une nouvelle fois, il y a Guillaume, 
la projection éveillée se confond
une réunion – déjeuner avec des collègues qui inscrivent des rendez-vous dans mon agenda
une après-midi complète de consultations
de l’agacement



Ce carnet est pour les impatients
Ceux de la mécanique du vide.

Où l’attente déborde sur l’absence
comme une mal-aimée et
l’écriture automatique
comme trajectoire – un rituel
que ne renierait pas les adepts du tarot et
ses élucubrations cosmiques
tout ça
pour tracer
un chemin
hors des sentiers épineux

Faire des découvertes
en soi
à partir de soi
des retrouvailles
c’est fragile et 
il n’y a pas toujours un avant

- « Pourquoi vous révoltez-vous contre votre milieu d’origine ? Depuis quand ? Vous ne pouviez pas faire mieux. »
Pourquoi
révoltez
vous
Qu’est-ce qui vous
révolte
Pourquoi vous
révoltez-vous
Pourquoi contre
au milieu
vous révoltez-vous
contre l’origine
au milieu de l’origine
Pourquoi







je note désoeuvrée
il n’y a pas
d’itinéraire
à vélo à pied en transports
en commun
je note dans l’attente
entourée des
bricoles
le recoin rétrécit l’espace.

je me demande ce qui va se passer
le déroulement qui arrive
si des traces vont
me surprendre


dans l’index
des gommettes colorées attendent leur statut-rôle-fonction
une brochure imprimée au travail, à Clairevoie
Forget your own face de Blackdresses












je note dans un train sans connexions
je lis Drifts de Kate Zambreno
une note sur Christian disparaît
une coïncidence s’échappe
un ventre est gonflé, le foie est malade, une mort est à venir




je note dans le train retour
j’écoute le rituel Space is only noise,
un réconfort pour l’être épuisé
il y a
ce mélange de joie des rencontres
et l’inconsistance
- j’aimerai bien que ce soit plus facile.
il y a 
aussi
la crainte d’être observée ou non ce n’est pas sûr
je me demande d’où vient la fatigue
je n’ai aucune idée de rien,
	spectating



je suis entrée dans le train
en retard
le geste de la mise en musique
pour accueillir les larmes
le corps et sa nausée
au repos de l’alerte sociale
quel étrange monstre
- j’aimerai moins me désintégrer.






toujours dans un train
je lis Drifts
j’écoute la musique de Kentucky Route Zero
une phrase revient
un infirmier de St. Brieuc qui dit que
je suis trop fragile pour être psychologue
un infirmier de l’hôpital psychiatrique
me dit que
m’annonce
déclare
il sait l’infirmier
sans me connaître
que je suis trop fragile pour être psychologue
peut-être que je suis
l’inverse
j’ai voulu volé ses clés pour m’échapper
la couleur violette m’indiquait le chemin, comme un arbuste de lilas par la fenêtre fermée
je n’ai pas voulu manger dans le réfectoire bruyant
il fallait tout protéger le vivant
maintenant je suis proche-aidée-aidante
je me demande si
c’est le moment
de coller les traces de 2017
j’écris le texte pour la revue Outsider,
à qui le ferais-je lire
quelles adresses rassurantes
je note une prévention:
prendre garde à ce que
le goût parfois
euphorisant de la fatigue
n’embarque pas
ses travers illuminés.
































I feel something forming.









à Paris au jardin des plantes
quelques rayons de soleil réchauffent
les larmes au bord
malgré
l’économie
est-ce que la sieste est légale ici ?
dans les méandres
je suis rassurée par des autocollantes révolutionnaires et des bouteilles de club-mate par terre
il y a
un corbeau que j’observe
du vent
je contiens ma dispersion
il y a
cinq corbeaux




il y a longtemps que
dans une gare à Stuttgart
dans l’attente d’un prochain train
encore la phrase de l’infirmier de St. Brieuc
comme à la page précédente
ce sont toujours les mêmes histoires
avec des boucles
et des trous


        « Un matériau solide est fragile
        s’il se fracture dès que
        sa limite d’élasticité est atteinte. La fragilité s’oppose à la ductilité. Il ne faut pas confondre fragile avec peu tenace qui signifie que le matériau résiste peu à la propagation de fissures.
        Dans l’usage courant
        et notamment en métallurgie,
        on parle de matériau fragile quand on a
        une faible déformation à la rupture
        une faible ténacité et
        une faible énergie de rupture. »


tu risques d’être brisé·e
détériorée
mais tu es mou
tu absorbe les fissures les fractures




je suis assez fragile pour ne pas être psychologue












plus loin après un blanc et une pensée raturée
la pensée tombe
le désespoir se partage
comment ce commun est pris en charge
quel est ce qui est réel
quels liens dans le chaos
des choses simples comme ça


à Montreuil sous la pluie près des pleurs
j’attends
l’ouverture
des portes de la grande veillée
à la parole errante
je ne comprends pas l’intranquillité dans les voyages
il n’y a plus 
la recherche d’un refuge 
il y a 
une balade à Bruebach avec C
quelle est l’origine de la peur
de la prudence
de la confiance
est-ce la vieillesse, 
j’ai 32 ans


dans le train retour
il y a
cinq heures de train c’est long
la grande veillée était petite comme moi 
il y a
des paroles qui se notent
qui se déplient
vers une adresse rassurante
la mort entoure tout
j’écoute Birds on wire
j’ai parlé d’un fantôme, 
je n’ai pas parlé de la lenteur et 
du refus

-------------------------------------
topographies v2-2 html le 9 nov. 2024