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intro-versionw janvier 2025

« Quand l’ontologie est impossible parce que son objet reste insaisissable, il convient de lui substituer la cartographie. »
(Cusset, 2014)
« Chapitre 1 : Cartographie
la mémoire est un carte. une carte c’est ce qu’on me dit oui. […] moi je dis c’est improbable la mémoire ça empile le temps en petits bouts informes, ça ne peut pas être une carte. mais […] c’est comme un lieu en ruine si vous préférez, un trou perdu en vous-même. je traduis : un rond de mégot sur le cerveau, tac, écrasé le souvenir sur ta tête de plan sans nord. ça laisse des traces. […] ça commence à faire sens. à faire direction. »
(Brézillon, H. 2024)
	Je suis 
	suivre et être
	un workshop1  
	« Commencer et 
	terminer un livre »
	n’importe quel
	livre qu’elle livre
	maintenant
	il faut
	prendre 
	tout 
	ce qui vient 
	et tout absorber
	c'est facile je ne sais 
	rien
	faire autrement
	
	j’accompagne 
	le chat dans 
	sa chasse
	alors c’est flou
	quelle différence avec 
	ce que je fais 
	habituellement
	
	un plan se prépare 
	comme une spirale 
	en reflet vers le passé
	en reflet vers le présent
	nos futures en paysage
	
	une notice biographique
	
	je suis née en mai 1991
	c’était un mercredi
	j’habitais à Tours jusqu’en 2008
	j’allais à l’école 
	j’étais chez mes parents
	après
	à la rentrée de septembre 2009 
	je suis allée faire des études à Angers 
	après 
	les études en 2015 j'y suis restée un peu
	même en 2016 avec un travail à Tours à mi-temps
	après 
	en 2017 j’étais au chômage
	après
	en mai 2018 je suis venue à Mulhouse pour un travail
	
	
	
	à Mulhouse
	aujourd’hui je suis à Mulhouse et je ne travaille plus
	j’attends la suite
	donner la suite 
	c’est l’enquête
	
	à Tours
	je suis allée à la maternelle
	minute papillon
	je suis allée au primaire
	j’ai joué des poèsies
	je faisais du roller parfois
	j’ai lu beaucoup
	un ami de mon frère pendant une semaine de vacances à la mer chez mes grands-parents remarque que chaque jour j’ai un livre différent dans les mains
	
	je suis allée au primaire 
	je me suis cassée le bras
	avec des chaussures jaunes
	on sonnait à des portes 
	dans la rue 
	puis on partait 
	en courant en riant
	on accrochait une araignée en plastique 
	à un fil qu’on lançait par la fenêtre
	
	il y avait des ordinateurs et des jardins
	on grimpait dans des arborescences
	
	l’été je suis allée chez mes grands-parents à la plage
	l’été je suis allée dans la montagne avec mes parents et mes frères
	
	à Tours je suis allée au collège et puis un autre
	« quelque chose n’allait pas »
	à Tours je suis allée au lycée j’ai trois journaux 
	l’abandon du corps et l’abstraction du reste
	à Tours je suis allée dans les rues, je suis allée au cinéma, je suis allée à la bibliothèque, je suis allée à vélo, j’ai tenté de me cacher
	l’été je suis allée à Montelparo et ailleurs
	j’aurai pu aller à la fête de l’humanité mais mes parents ne voulaient pas donner de sous aux communistes
	je suis allée à la plage et dans des champs de tournesols
	j’ai mangé des secrets dans mes tiroirs
	parfois j’ai disparu alors qu’il fallait être là
	
	à Angers
	à Angers la première fois je suis revenue en pleurant
	quelqu’un avait deviné que j’écrivais
	à Angers je suis allée à l’université
	une petite fermée
	
	à Tours avant 
	dans les rayons de la bibliothèque 
	j’avais emprunté Devereux et 
	déjà les disciplines ne me couvaient pas
	j’étais désorientée
	
	j'ai voulu devenir psychologue car 
	quand dans les rues dans la ville 
	je me promène avec la musique 
	qui recouvre la foule
	
	parfois je 
	regarde tous ces visages 
	tous ces visages je 
	regarde tout 
	j'espionne 
	l’intérieur des habitats éclairés 
	dans la nuit le long des grilles du parc 
	à l'infini 
	je cherche ce qu’il y a
	sous les visages
	
	j’observais dans les histoires 
	les personnages imaginaires pour
	y comprendre quelque chose
	pour apprendre
	comment 
	il
	faut faire
	pour être moins seule
	il faut 
	comme Jacquemort et son tonneau des Danaïdes absorber la puissance vitale des êtres vivants un chat sur une barrière qui ronronne à la chaleur des rayons lumineux et l’imiter
	la matière
	et 
	c'est ce que je n'ai pas écrit dans mon projet professionnel en licence 3, à l'université.
	
	à Angers je suis devenue psychologue
	mais je ne le suis plus
	je m’étais trompée 
	
	à Mulhouse
	des choses requièrent
	du silence
	un réveil      au milieu
	au boulot
	
	
	
	
	
	
	
	j’ai passé la soirée avec des malfrats et c’étaient tous des chics types
	des larmes 
	au carré des lascar·es

	
	à Angers
	à Tours
	à Mulhouse
	des années qui s’entassent
	
	tout ce que j’ai déjà écrit 
	m’empêche d’écrire
	la spirale tourne 
	sur elle-même elle 
	connaît les années 
	mais pas les âges
	les années mais 
	pas les âges
	
	
	
	
	des psys demandent 
	à quoi je m’identifie
	je ne comprends jamais la question
	
	à quoi je suis identifiée 
	c’est encore autre chose
	est-ce que je me mets à la place de
	est-ce que je m’imagine comme
	je m’identifie à une spirale
	à un mouvement
	à une flaque
	
	dans l'identification il y a de la colle
	ou des adhésifs
	
	pendant les cours à l’université
	je m’identifie partout
	j’ai tous les symptômes
	je les collectionne
	
	à un moment ça parle du faux-self
	quelqu’un de mal-nommé et là 
	je m’identifie un peu plus 
	sérieusement je m’identifie à celle 
	qui ne s’identifie pas ou 
	seulement à travers le mime
	c’est la question du vide
	est-ce que le vide est identifié
	est-ce qu’on a une identité sans être
	
	l’identité c’est une action
	je suis un geste
	suivre et être
	
	est-ce que je veux ressembler à
	pour effectuer la même chose
	quand je me compare je n’identifie pas car 
	il n’y a pas de références 
	juste le vide
	parfois je me retrouve
	mais ce n’est jamais moi
	je n’ai pas de lettre
	pas d’acronyme
	
	quand il faut nommer 
	je me souviens du livre 
	
	la forêt des mythagos
	
	il n’y ni âge ni année, 
	il n’y a pas de traces
	
	c'est un gros livre vert 
	avec des récits enchâssés 
	un mystère qui s’épaissit
	qui se déploie ailleurs
	dans le livre dans la forêt
	dans le livre
	dans la forêt
	
	parfois 
	j’ai un geste qui décrit mais 
	je ne sais pas comment le nommer
	la forêt s’engouffre en elle-même
	quand il faut nommer les choses 
	les lieux, les personnes
	par leur vrai nom
	
	une jeune fille doit se concentrer et elle découvre le vrai nom des choses et c’est un pouvoir, le vrai nom des choses lui octroie, la remercie, avec une sensation car cela reste secret
	
	quand j’étais adolescente 
	je me prénommais autrement parfois
	le pré-nom c’est avant la rencontre
	je me suis anonymisée
	j’ai aimé le livre Pseudo
	entendu à Tours sur Radio Béton 93.6
	je questionnais mon authenticité
	
	maintenant 
	je questionne ma contenance
	toutes les identifications que j’ai mangé absorbé collé
	
	je suis allée à Paris 
	quand j'avais 20 ans 
	au Jeu de Paume
	j'ai découvert Claude Cahun
	c’est un exemple
	
	est-ce que s’identifier 
	c’est vouloir être comme
	c’est vouloir être autre
	se transformer
	devenir une image
	quand on me pose la question 
	est-ce que vous vous identifiez à
	je fuis
	
	j’ai imaginé être beaucoup
	et maintenant je me nourris ailleurs
	enfin là et ailleurs
	c’est comme si je devais rendre des comptes, 
	avec qui je suis habillée
	
	hier soir je n’ai pas terminé le film
	j’ai pensé
	un squelette est nu
	
	il y a le vide et l’image 
	et un lien entre les deux qu’on jette
	j’ai oublié le café
	
	
	
	l’identité c’est un geste et c’est un papier
	un geste
	et un papier
	
	c’est ce qui administre
	sur ma carte d'identité nationale
	l'adresse n'est plus la bonne
	elle est périmée
	
	j'étais petite quand j'ai déposé mes empreintes 
	pour la première fois
	pour la carte nationale d'identité
	c'était dans la rue qui va du parc des expos au parc à côté du musée où dans le jardin il y a un éléphant
	rue Bernard Palissy me dit internet
	j’étais petite
	
	quand je suis petite 
	tout le monde dit que je ressemble à ma mère
	on voit moins son visage que les autres
	peut-être est-ce elle qui me ressemble
	est-ce que mon corps s’identifie
	je me reconnais plus dans un reflet flou
	mon visage est emprunté
	
	qu’est-ce qui bouge
	qui transitionne
	authentique consistance
	
	des identités éparses vers 
	une forme d’être malléable
	
	dans ma cartographie
	des traces et la temporalité 
	divague la rouille
	la maintenance
	toujours tenir
	tenir
	tu contiens ta folie
	
	il y a une phrase d’un psychiatre 
	notée répétée sur la marge et
	un défaut d’inscription car dit-il
	le mot et la chose ne sont pas identiques
	
	le mot n’identifie pas la chose
	seul le signe 
	
	les choses vont arriver
	elles arrivent bientôt
	de quoi seront-elles composées ?
	de mots mais pourtant
	
	les choses sont composées de mots 
	mais les mots ne sont pas les choses
	sinon tu deviens paranoïaque
	le signe pulse trop fort
	
	est-ce que je peux écrire 
	en dehors de 
	l’écriture
	
	je suis le chat
	suivre et être
	c’est lui qui m’indique le réveil
	il est arrivé en octobre 2016
	
	il y a les choses qui arrivent 
	et il y a les verbes
	on se conjugue
	dans des allures patentes
	"Il y a le se-briser" [1]
	c'est un instant qui instaure 
	on se conjugue dans l'entre 
	on se conjugue
	par les choses qui viennent
	qui vont venir
	qui arrivent
	entourées des verbes
	ce sont des choses simples comme ça 
	le train 
	des images
	une sieste
	des villes
	un café
	des sensations
	vider son sac
	des livres
	c’est infini
	
	des archives
	un carnet
	des fantômes
	en lien perpétuel
	
	les choses parsemées se rassemblent 
	elles cheminent vers le centre 
	feront une ellipse
	
	ce geste qui te fait exister
	avec un écart perceptible 
	lorsqu’on te prête une âme
	
	dans ma cartographie 
	il y a des cimetières
	une place faite aux mortes
	elles perdurent
	
	de quoi sont-elles composées
	étrange on s’y fond
	de quoi sont-elles composées
	par quoi sont-elles composées
	
	dans la spirale se trouve des échos
	ça tournoie
	il n’y a pas de centre
	
	elles reprennent forme
	dans les mots et les choses
	composé par un corps 
	
	
	- Est-ce qu’il y a un appel à l’aventure ?
	- Un appel sans demande fait d’attente.
	
	à Mulhouse encore
	
	c’est dimanche et il pleut
	il est 8:37 mon corps est fourbu
	j’aurai pu rester dormir mais je suis le chat
	peut-être qu’il dort lui maintenant
	il ne boit pas de café
	
	de quoi la journée sera faite ?
	j’ouvre le bricoracle [2]
	une étoile, la foi, sous-tenue 
	par la confiance et la créativité
	
	
	
	poursuivre
	attendre et poursuivre 
	doucement
	
	
	il y a des pauses
	il est 9:00 la cloche dehors sonne 
	la fenêtre est ouverte 
	le vent est frais
	
	je reçois une note vocale de Sarah qui part en vacances à Llubljana ce jour, elle me raconte ses drames imprévus de la matinée
	elle est troublée de l’attention
	c’est le train qui est en retard pas elle
	alors je lui réponds une note vocale
	alors je regarde la tasse vide sur le bureau
	
	alors je pense à la suite
	
	après, 
	je vais dans la cuisine, je fais chauffer de l’eau, j’hésite entre un deuxième café ou une ricoré au lait mais il n’y a plus de lait d’avoine, je vais dans la salle de bain et je me coiffe un peu, un élastique pour un micro-chignon élevé et le reste des cheveux libres sur les épaules, je retire mes lunettes et je m’asperge un peu d’eau sur la figure, c’est agréable, je prends de l’eau du robinet dans le creux de mes mains et je porte mes mains jusqu’à mon visage, après je masse le visage que je regarde dans le miroir, je remets de l’eau dans le creux de mes mains et je masse le haut des épaules, je tente de détendre ce corps fourbu, je me laisse guider par les muscles, vers la sensation recherchée, je fais quelques exercices d’étirement, de yoga, c’est agréable, puis je retourne à la cuisine et me sert du café, retourne au bureau et j’écris.
	j’écris à partir des archives de la parole 
	entamées déjà quand j’avais 26 ans