### Écrire de l'intérieur avec Emily Dickinson 22/03/25

le texte

il se dit qu'il a faim
qu'il faut cuire
les pommes de terre
puis les peler

il se dit qu'il a faim
qu'il faut laver
la salade de chêne
puis l'essorer

pourquoi il ne mange pas ?
alors qu'il se dit qu'il a faim
le ventre mécontent
il prépare les aliments
puis il oublie
l'étape d'après
celle de la nourriture
à absorber
les odeurs parfois suffisent
à rompre la faim

il se dit qu'il a faim
un engloutissement
le retient
c'est son corps
pourquoi est-il si loin ?

il se dit que la faim déborde
la faim prend d'autres couleurs
des aspects liquides
as-tu l'appétit des trucs gluants ?
la frustration
il se dit que
il pourrait tout manger
la chair et les fruits
et encore
quelque chose le retient
ce n'est plus son corps
c'est son absence
la faim qui crépite
dans la radio dans la forêt
il se dit que
son ventre est un abîme
il coupe et il épluche
il mijote
il entend quand ça bout
il attend que ça bout
encore
que ça s'évapore
que ça brûle
qu'il ne reste
plus
que la faim
inattentive

la consigne

dans la boîte mail sans archives

Parfois, écrire, c'est peut-être entendre une voix à l'intérieur.
Elle ne s'exprime pas avec des paroles, mais avec des sensations, des impressions plus ou moins troubles.

Parfois, on pense, on réfléchit, et certaines idées nous conduisent à des questions.
Parfois, des vérités viennent à nous et nous les observons, parfois nous les sentons, parfois nous les écrivons.



Cette semaine, nous allons écrire cette voix intérieure qui pense et qui dit.

Pour cela, nous partirons du poème 301 d'Emily Dickinson.

Voici le poème 301, dans la traduction de Claire Malroux :



Je me dis : la Terre est brève -
L'Angoisse - absolue -
Nombreux les meurtris,
Et puis après ?

Je me dis : on pourrait mourir -
La meilleure Vitalité
Ne peut surpasser la Pourriture,
Et puis après ?

Je me dis qu'au Ciel, d'une façon -
Il y aura compensation -
Don d'une nouvelle Équation -
Et puis après ?




Et le voici en anglais :


I reason, Earth is short—
And Anguish—absolute—
And many hurt,
But, what of that?

I reason, we could die—
The best Vitality
Cannot excel Decay,
But, what of that?

I reason, that in Heaven—
Somehow, it will be even—
Some new Equation, given—
But, what of that?



-


Ici, vous le voyez, vous l'entendez, une forme brève et claire se répète.

Chaque strophe débute par : "Je me dis :"
Chaque strophe se termine par : "Et puis après ?"
Chaque strophe dit une pensée dans sa profondeur, un regard sur le monde, la vie, la mort et au-delà de la mort.
Elle traduit un état du monde et de la vie, tel que perçu par la narratrice.

-


Voici la consigne d'écriture :

Je vous propose de vous appuyer sur ce poème en reprenant deux éléments : la forme et le thème.


La forme :

À votre tour, écrivez un poème découpé en paragraphes courts débutants par : "Je me dis" ou une expression proche.

Par exemple :
Je pense...
Je me dis souvent...
Je crois...
La voix dans ma tête dit...
Il m'arrive de me dire...
Je me dis tout le temps...


Vos paragraphes se termineront par une question qui se répète, comme dans le poème d'Emily Dickinson, quand elle écrit : " Et puis après ?"
Par exemple :
Et alors ?
Et qu'est-ce que ça change ?
Et ça vous pose un problème ?
Et est-ce que j'y peux quelque chose ?
Et ça fait quoi ?
Et demain aussi ?


Le thème :

La forme y mène naturellement : il s’agit d’écrire ce que la voix intérieure se dit quand on lui donne la parole.
Qu'est-ce que vous vous dites ?
Qu'est-ce que vous vous répétez ?


Écrivez-le. C'est tout.